Day 0 – Paris, métro Voltaire
Avec un retard de 10 minutes dû à l'oubli d'un iPod par Paul, nous nous retrouvons ce mercredi 7 mai à 07h40 heure de Paris. C'est le début d'une longue journée. La plus longue de notre vie. Du suspense, de l'action... Et beaucoup trop d'heures de vol.
Après avoir été questionné longuement sur nos activités terroristes et nos contacts avec des personnes inconnues nous confiant des objets de valeur dans nos valises, nous arrivons à formuler la première théorie de ce voyage : une hôtesse sur deux est inutile parmi le personnel d'American Airlines. En effet, à chaque bureau de préenregistrement, se trouvent deux hôtesses. La première est dans sa quarantaine, pose beaucoup de questions de façon incompréhensiblement rapide (c'est pourtant encore en VF), remplit des formulaires et colle des étiquettes. La seconde, pas plus de 25 ans, sourit. Voici le premier visage des Etats-Unis d'Amérique.
Une fois les bagages enregistrés, la sécurité passée (notons que nous sonnons tous les 2 allègrement, mais que, tandis que Ludo doit retirer chaussures et ceinture, j'ai le droit à une fouille au corps), nous dépensons très peu d'argent en duty free. Fiers de nous, nous embarquons vers 10h40 dans un magnifique Boeing 767. Le commandant de bord annonce vers 11h20 que l'avion est prêt et que nous pouvons partir en avance.
Bien sûr, tout n'est pas si simple. La porte arrière refusant clairement de se fermer, c'est finalement à midi que l'avion décollera, après une manipulation probablement hasardeuse de la maintenance. Heureusement, l'appel à la hotline a été rapide et l'intervention efficace. Au revoir Paris.
Day 0 – somewhere in the sky
Le vol dure 10 heures. Que fait-on, en 10 heures de vol, sachant que seuls 2 repas sont servis et que les films diffusés sont Benjamin Gates 2 et Ocean's Eleven ? Dure question. Paul fait semblant de travailler sur du développement pendant environ 15 minutes, dont 13 passées à vanter les mérites de Linux à Ludo. Ludo fait semblant de comprendre l'émission Eye on America, et finit par s'endormir. On passe également dix minutes à chercher le poulet annoncé du menu, en fait noyé sous la sauce. La quiche/pizza, forme hybride de repas, nous fait également longuement nous interroger. Paul s'émerveille devant le scénario de Ocean's Eleven. On fait également les blagues classiques de l'avion (passons sur les sacs à vomi). Ludo vérifie scientifiquement l'assertion de David (un collègue du Master) selon laquelle le bout des ailes est beaucoup plus haut en vol qu'au sol. On remplit les formulaires blanc et bleu qui nous font jurer sur l'honneur qu'on ne s'est pas approché de bétail ces derniers temps, qu'on n'importe pas de terre ou de fleurs et que non, non, on ne cache pas de gecko sur soi. Ludo constate avec brio que nous avons déjeuné deux fois. En effet, après le décollage, vers 12h30 à Paris, nous avons dégusté un déjeuner composé de « poulet », tandis que 7 heures plus tard, toujours vers 12h30 (mais au centre des Etats-Unis cette fois-ci), nous avons partagé une quiche/pizza au fromage/fromage. De là à penser qu'il y a un lien avec le titre de ce blog...
Finalement l'avion se pose, Ludo n'a pas vomi et est plutôt fier du vol, Ocean's Eleven s'est fini comme lors des 5 premiers visionnages, l'assertion de David était bien vraie, Paul n'a pas avancé le développement d'une ligne de code et les formulaires sont remplis. Bienvenue à Dallas.
Day 0 – Dallas/Fort Worth International Airport
Chaud, humide, désagréable : voilà comment qualifier le temps. Grand, spacieux, agréable : c'est l'aéroport. Tous comptes faits, on s'y retrouve.
Mais avant de critiquer le temps et l'architecture, il faut sacrifier aux formalités. L'aéroport de Dallas est d'abord l'occasion de passer la douane. La file d'attente est l'occasion de formuler notre seconde théorie sur les Etats-Unis d'Amérique : 50% des emplois sont créés dans l'unique but de faire baisser le taux de chômage. Quand, dans une file d'attente de 100 personnes, circulent 12 personnes prévérifiant les formulaires de chacun, 6 aidant à la circulation (dans une file d'attente... allez tout droit, oui, c'est ça, tout droit ! Ah, non, par ici cette fois...) et 4 regardant la scène de loin, devant un kiosque à formulaires désert, vu que lesdits formulaires sont distribués à l'enregistrement à Paris et dans l'avion en cas d'oubli... on peut clairement conclure que la productivité n'est pas au rendez-vous. Notons que cette seconde théorie est très vite complétée par une troisième : les emplois périphériques sont le refuge des personnes refusées pour les postes essentiels. En effet, quand on vous en êtes réduit à guider quelqu'un dans une file d'attente droite, c'est que les compétences manquent cruellement. Résultat logique, vous êtes frustré et vous vous réfugiez dans une vengeance mesquine sur les premiers étrangers venus, en leur donnant des ordres inutiles, parfois illogiques et toujours de manière désagréable. C'est le second visage des Etats-Unis.
Après ces théories basées sur des enquêtes d'observation directe et participative sur un échantillon réduit à une personne, mais dont la pertinence ne saurait être remise en cause, nous sommes accueillis par un douanier fort sympathique : en effet, il tamponne 5 fois nos papiers, nous indique à qui donner le formulaire bleu et nous raconte sa vie : Paul apprend que le fils de cet homme tente de rentrer à une école française en Suisse (selon les dires de Paul, qui, il l'avoue, « rapporte tout ça pêle-mêle »), tandis que Ludo découvre que Tom LANDRY est quelqu'un de fort célèbre au Texas.
Partis pour 2h40 d'attente, nous en subirons 4. Pour l'heure, insouciants et naïfs, nous pensons attendre 2h40, et les tuons fort bien : un petit coup de navette sur rails automatique qui fait le tour de l'aéroport à plus de 10 mètres de hauteur, une visite complète de l'ensemble des librairies des terminaux D (où nous sommes arrivés) et A (où nous sommes censés repartir) à la recherche d'un dictionnaire bilingue de poche finalement non trouvé, un capuccino moyen acheté au Starbucks et une bouteille d'eau achetée dans un snack quelconque. Tout ceci nous permet d'ailleurs d'énoncer notre quatrième théorie : quand un habitant des Etats-Unis d'Amérique n'a pas envie de vous aider, il ne vous comprend pas, prétextant un accent trop mauvais. Le résultat de ce théorème découle d'une enquête réalisée sur trois personnes, deux libraires (un comprenant parfaitement le mot dictionary, l'autre absolument pas) et un caissier (refusant obstinément de comprendre l'expression bottle of water).
Arrivés à la porte d'embarquement A10, nous apprenons le retard de 20 minutes de notre avion. Nous y croyons une fois de plus naïvement. Pour l'heure, Ludo, fort motivé, tente de dessiner un graphique tout simple censé permettre de vous éclairer sur le sens du titre de ce blog (qui est, pour être honnête, lié au décalage horaire). Ne disposant pas d'outils puissants et forts chers tels Photoshop, il est réduit à utiliser the Gimp, outil gratuit et donc totalement impuissant. Au bout d'1h30 d'efforts acharnés, d'annulations, de sauvegardes, de cris, de stress, de fatigue... Il réussit à produire un graphique qu'un enfant de 12 ans aurait dessiné en 9 minutes sur papier. Le résultat dépasse toutefois les espérances, très faibles, qu'il avait mises dans l'outil susnommé. Nous vous laissons seul juge. Les commentaires sont tout à fait autorisés et feront l'objet d'une simple censure, afin d'éviter toute critique négative – nous sommes aux Etats-Unis.
Finalement, 40 minutes après les 20 minutes de retard annoncé, les premiers groupes embarquent dans l'avion. Etant donné que notre groupe est le numéro 5, nous avons tout le temps d'élaborer notre cinquième théorie, dite de la constitution des groupes d'embarquement. Celle-ci est composée de 3 lois :
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Le numéro du groupe est faible quand l'enregistrement est tôt ;
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Le numéro du groupe est proportionnel au nombre de correspondances ;
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Le numéro du groupe est inversement proportionnel à l'âge.
Ceci fait, nous embarquons parmi les derniers. Il est 19h45, l'avion devait partir à 19h10. Heureux, nous pensons que dans 34 minutes nous sommes à Oklahoma City. Nous sommes naïfs.
Finalement, à 20h30, 25 minutes après notre heure d'arrivée prévue sans retard (20h05), l'avion se met enfin à rouler et commence à faire le tour de l'aéroport de Dallas au sol. Tour qu'il fera environ 3 fois avant de pouvoir décoller. Nous en déduisons qu'une loi de l'Etat du Texas oblige tout avion circulant après 20h à faire trois fois le tour de l'aéroport de départ avant tout décollage, pour des raisons probablement liées à notre sécurité et notre confort, et afin de vérifier la bonne fermeture des soutes à bagages (le nombre maximum de bagages perdus durant le vol étant probablement de 3).
Day 0 – somewhere behind the clouds
Note au lecteur : afin de compliquer la lecture de ce blog, nous décidons dorénavant d'écrire toutes les heures selon le format unilatéral suivant : Heure Centrale des Etats-Unis [Heure de Paris]. Nous espérons que ce format vous évitera à avoir à effectuer une simple addition de 7 unités à chaque heure rencontrée dans le texte.
Le trajet est bref, 34 minutes comme prévu (c'est probablement la seule chose de ce vol qui se passe comme prévu). Tandis que Paul dort, Ludo admire la beauté du paysage nuageux et nocturne du ciel texan, puis oklahomien. Si Ludo trouve les nuages magnifiques, ils ne doivent pas être au goût du pilote qui semble décidé à les éviter. C'est probablement la cause des freinages et accélérations brutaux des 10 dernières minutes du voyage. Après une épaisse couche de nuages, nous apercevons enfin des lumières urbaines. Nous touchons le sol, nous roulons, nous restons assis jusqu'à ce que le signal lumineux soit éteint... Nous sommes à Oklahoma City. Il fait nuit, nous sommes plus que crevés, nous n'avons qu'une envie : dormir à l'Holiday Inn où nous avons réservé une chambre (il est en effet 21h [4h]). Le sort en a décidé autrement.
Day 0 – quasi à destination
En effet, alors que nous nous précipitons aveuglément vers les bagages, soucieux de deux choses : trouver les bagages et trouver la navette vers l'hôtel, ces deux choses concourant au même besoin urgent et impérieux de sommeil, deux hommes s'interposent sur notre chemin et nous bloquent la route !
Ludo reconnaît très vite Serge, un collègue de Master 2 arrivé dix jours plus tôt. L'autre homme, apparemment fort sympathique, se présente : c'est notre tuteur de stage. La route est alors débloquée une fois les présentations faites.
Pendant que nous attendons nos fidèles valises (Paul priant silencieusement pour que sa valise bordeaux ne soit pas ouverte et pillée), Sylvain, notre tuteur, prend les choses en main. Mobilisant un personnel de l'aéroport, il fait annuler, sans frais, notre réservation à l'Holiday Inn de l'aéroport et nous réserve une chambre à Norman, plus près du campus, dans un hôtel qu'il nous vend comme très agréable et moins cher. Ludo a à peine le temps de préciser que la chambre réservée coûtait 1050$ (« one thousand and fifty dollars ») – nous comprenons tous que l'erreur d'un zéro est dû à l'immense fatigue – que l'échange est fait et les bagages dans la voiture, sur nos genoux. Après cinq minutes de discussion difficile et vingt minutes de silence gênant, nous arrivons à l'hôtel et nous enregistrons (le réceptionniste refusera d'ailleurs d'enregistrer la chambre à notre nom, car nous ne sommes pas américains et que ça rend toute l'opération fort complexe. Sylvain, une fois de plus, démontre son utilité sans faille). Nous sommes alors laissés à notre chambre, Sylvain revenant nous chercher le lendemain vers 10h.
C'est là, contre toute attente, malgré une fatigue extrême (il est 23h [6h]), que nous découvrons les merveilles qu'une simple chambre d'hôtel peut contenir : wifi, éthernet, lampe éthernet, air conditionné, cafetière... Prise américaine. Après l'émerveillement, c'est le drame. Il faut trouver un adaptateur, se rendre compte qu'une prise avec prise de terre ne rentre pas dans cet adaptateur, trouver un second adaptateur, se rendre compte du même effet, trouver une règle et tenter de briser les pièces plastiques gênant l'entrée de la prise dans l'adaptateur. L'opération est délicate à narrer car hautement technique, ce qui pourrait expliquer que la phrase précédente soit incompréhensible. Nous nous en excusons.
Finalement, c'est après avoir vaincu et avoir donné des nouvelles rassurantes à notre famille proche que nous nous endormons, aux Etats-Unis d'Amérique, dans un lit Queen Size [en] chacun.